Justice et vengeance dans le western, une violence archaïque sur laquelle doit se fonder le droit
Le western classique joue souvent de l'ambiguïté entre justice et vengeance à travers des personnages qui se font justice eux-mêmes. Dans le film réalisé par Ted Post en 1968, Pendez les haut et court , le héros, Jed Cooper, joué par Clint Eastwood, a été pendu par erreur pour vol de bétail par une bande de cowboys. Sauvé par un marshal, puis acquitté du vol dont on l'accusait à tort, il devient à son tour marshal, à la demande du juge local, pour arrêter ceux qui l'ont pendu. Cooper parviendra à mettre en prison ses exécuteurs sans les tuer, sauf dans deux cas. Il demandera même au juge d'alléger la peine d'un d'entre eux, qui s'est livré de lui-même et est tombé malade. La justice doit-elle être capable de pardon ou repose-t-elle sur une sévérité inflexible ?
La philosophe Ninon Grangé propose une analyse des rapports entre western et justice.
"Ce que présente le western en se donnant pour le récit de ce qui n'est pas encore réglé par le droit, c'est précisément que la vengeance est tragique parce qu'elle ne peut être remplacée. Elle ne fait que mettre à nu une violence archaïque sur laquelle doit se fonder le droit parce qu'il n'y a pas d'autre possibilité. […] Un western, récit des origines, étant avant la société, ne peut pas sortir du duel, de même que les états de nature parlent des hommes dispersés ou en concurrence mais jamais en groupes. Dans le faux procès qui se déroule, il n'y a qu'une partie lésée et non pas la société qui n'existe pas, qui ne peut donc être réparée. Le western est ce non-lieu de la société à la poursuite d'une justice en l'état impossible."
Ninon Grangé, « Justice archaïque ou justice tragique ? La nature et la loi comme problème du western », publié sur IMAJ (carnets de recherches en analyse juridique de l'image), 2016